Vercingétorix

dictionnaire de la GauleFils de Celtill, né à Gergovie, capitale des Arvernes. Son nom signifiait : « Grand roi des guerriers » (ver = préfixe superlatif, correspondant au latin super, cingéto = guerrier, rix = roi). Il suivit l’enseignement des druides et entra peu de temps au service de César, comme officier. Lorsqu’il apparut dans l’histoire, lors de la grande révolte de 52, César qui avait 48 ans, le désigna comme un adulescens (c’est-à-dire en âge de porter les armes) : il avait donc entre 22 et 28 ans. Après la défaite d’Alésia il fut conduit à Rome et enfermé pendant six ans dans le Tullianum. Il en fut sorti lors du triomphe de César, puis reconduit dans sa cellule où il fut étranglé. Son corps fut exposé à la foule et jeté dans le Tibre. Son épopée dans l’histoire de la Gaule ne dura que neuf mois.

vercingetorix « Là, dans les mêmes vues, un jeune Arverne très puissant, Vercingétorix, fils de Celtill (son père avait tenu le premier rang dans la Gaule et sa cité l’avait fait mourir, parce qu’il aspirait à la royauté), assemble ses clients et les échauffe sans peine. Dès que l’on connaît son dessein, on court aux armes. Son oncle Gobannitio et les autres chefs, qui ne voulaient pas tenter la même fortune, le chassent de la ville de Gergovie. Cependant il ne se rebute pas : il fait dans la campagne des levées de gens sans ressources et perdus de crimes. Cette troupe réunie, il entraîne dans ses desseins tous ceux de la cité qu’il rencontre, il les exhorte à prendre les armes pour la liberté commune, et, après avoir assemblé de grandes forces, il expulse à son tour de la cité les adversaires qui l’avaient chassé naguère. Les siens le proclament roi. Il envoie des députés réclamer partout l’exécution des promesses, et bientôt il a entraîné les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lémovices, les Andes et tous les peuples qui bordent l’océan : tous s’accordent à lui déférer le commandement. Revêtu de ce pouvoir, il exige des otages de toutes les cités, donne ordre qu’on lui amène promptement un nombre de soldats déterminé, et règle ce que chaque cité doit fabriquer d’armes et l’époque où elle les livrera : surtout il s’occupe de la cavalerie. À l’activité la plus grande il joint la plus grande sévérité : il contraint les incertains par la rigueur des châtiments ; pour un délit grave il fait périr par le feu et par toutes espèces de tortures : pour une faute légère, il fait couper les oreilles ou crever un oeil, et renvoie chez eux les coupables, pour servir d’exemple et pour effrayer les autres par la grandeur du châtiment. Ayant, par ces moyens violents, rassemblé bientôt une armée, il en fait conduire une partie chez les Ruthènes, sous les ordres de Luctérios Cadurcos, homme d’une audace extrême, et va lui-même chez les Bituriges. À son approche, les Bituriges envoient des députés chez les Éduens, dont ils vercingetorix en guerreétaient les clients, pour demander du secours afin de résister plus facilement aux forces de l’ennemi. Les Éduens, de l’avis des lieutenants que César avait laissés à l’armée, envoient aux Bituriges de l’infanterie et de la cavalerie. Arrivées à la Loire, qui sépare les deux cités, ces troupes s’y arrêtèrent quelques jours, et revinrent sans avoir osé la passer. Ils dirent à nos lieutenants qu’ils avaient rebroussé chemin, craignant une perfidie de la part des Bituriges, car ils avaient appris que leur dessein était, si les Éduens passaient le fleuve, de tomber sur eux d’un côté, tandis que les Arvernes les envelopperaient de l’autre. Fut-ce par le motif qu’ils déclarèrent aux lieutenants ou par trahison que les Éduens en agirent ainsi, c’est ce que nous ne voulons pas affirmer, parce que nous ne sommes sûrs de rien. Dès qu’ils se furent retirés, les Bituriges se joignirent aux Arvernes »
(César, La Guerre des Gaules, VII, 4).

« – Dès que l’ensemble des cités se sera joint à nous, et que nous ne formerons en Gaule qu’une seule volonté, le monde entier alors ne pourra nous résister »
(César, La Guerre des Gaules, VII, 29).

« – Le salut public exige qu’on lui sacrifie les intérêts particuliers ». Dure, cruelle mesure ! Combien plus dur, de voir enfants et femmes tomber en servitude, et nous mêmes périr, destinée inévitable des vaincu. »
(César, La Guerre des Gaules, VII, 14).

« – Ce n’est pas la bravoure des Romains qui a triomphé, mais leur science des sièges qui fait défaut à nos concitoyens. Et puis à la guerre, on n’a pas que des succès »
(César, La Guerre des Gaules, VII, 29).

« – Je n’ai pas entrepris cette guerre à des fins personnelles mais pour la liberté de tous et puisqu’il faut céder au destin, je m’offre à vous, vous pouvez apaiser les Romains par ma mort ou me livrer vivant »
(César, La Guerre des Gaules, VII, 89).

Alésia est tombée : Vercingétorix se rend à César.
« César prit place en avant de son camp ; on lui amène les chefs ; Vercingétorix lui est livré ; les armes sont jetées devant lui. Il fit mettre à part les Éduens et les Arvernes, pour tenter, par eux, de regagner leurs peuples ; les autres prisonniers furent distribués à toute l’armée, à raison de un par homme, à titre de butin »
(César, La Guerre des Gaules, VII, 89).

« Vercingétorix n’attendit point que les centurions romains le traînassent pieds et poings liés aux genoux de César. Montant sur son cheval harnaché comme dans un jour de bataille, il sortit de la ville et traversa au galop l’intervalle des deux camps, jusqu’au lieu où siégeait le proconsul […] Après avoir tourné en cercle autour du tribunal, il sauta de cheval et, prenant son épée, son javelot et son casque, il les jeta aux pieds du Romain, sans prononcer une parole. Ce mouvement de Vercingétorix, sa brusque apparition, sa haute taille, son visage fier et martial, causèrent parmi les spectateurs un saisissement involontaire. César fut surpris et presque effrayé. Il garda le silence quelques instants, mais bientôt, éclatant en invectives, il reprocha au Gaulois son ancienne amitié, ses bienfaits dont il avait été si mal payé ; puis il fit signe à ses licteurs de le garrotter et de l’entraîner dans le camp. Vercingétorix souffrit tout en silence […] Il fut conduit à Rome et plongé dans un cachot infect où il attendit pendant six ans que le vainqueur vînt étaler au Capitole l’orgueil de son triomphe ; car ce jour-là seulement, le grand patriote gaulois devait trouver, sous la hache du bourreau, le terme de son humiliation et de ses souffrances »
(Amédée Thierry (Synthèse de Plutarque et Dion Cassius)vercingetorix enchaine

« La patrie gauloise, telle que l’Arverne se la représentait, c’était, je crois, la mise en pratique de cette communauté de sang, de cette identité d’origine que les druides enseignaient : avoir les mêmes chefs, les mêmes intérêts, les mêmes ennemis, une “liberté commune”. Que cette union aboutît, dans sa pensée, à un royaume ou à un empire limité, compact, allant du Rhin aux Pyrénées, pourvu d’institutions fédérales, ou qu’elle dût demeurer une fraternité de guerre pour courir et ravager le monde, nous ne le savons pas, et il est possible que Vercingétorix ait rêvé et dit tour à tour l’un et l’autre. Mais, et ceci est certain, il eut la vision d’une patrie celtique supérieure aux clans, aux tribus, aux cités et aux ligues, les unissant toutes et commandant à toutes. Il pensa de la Gaule attaquée par César ce que les Athéniens disaient de la Grèce après Salamine : “Le corps de notre nation étant d’un même sang, parlant la même langue, ayant les mêmes dieux, ne serait-ce pas une chose honteuse que de le trahir ?” « Et Vercingétorix identifia si bien sa vie avec celle de la patrie gauloise, que, le jour où les dieux eurent condamné son rêve, il ne songea plus qu’à disparaître »
(Camille Jullian, Vercingétorix).

« Le moins qu’on puisse dire, c’est que, prophète et homme d’action, qui entreprit l’unité du peuple et du territoire de France, bien des siècles avant qu’il fût possible de la réaliser, et qui alla à la mort pour accomplir la tâche sacrée de la liberté des Gaules, Vercingétorix nous est cher aussi pour avoir su obtenir des siens, par l’amour seulement et le prestige d’une intelligence et d’une volonté supérieures, ces prémices de la discipline consentie, civique et militaire sans laquelle il n’est point de nation. Vaincu, meurtri six ans par la captivité, sacrifié à l’orgueil d’un vainqueur qui désormais méprisait les hommes, il reste pour nous paré du charme d’une adolescence aux yeux clairs, à l’activité héroïque, et sanctifié par le martyre d’un véritable “saint de la patrie” »
(J. Bayet, « Vercingétorix », Bulletin de l’association G. Budé).